L’éloignement de soi.
Les abris possibles dans la rue restent temporaires, menacés
et dangereux.
Dans la montée d’escalier, le recoin, le porche, le métro ou
encore le squat, l’intimité se perd à travers le regard des autres et
l’insécurité. Plus de dedans ni de dehors, la perte d’un toit entraîne une
violence sociale et identitaire.
On détourne le regard, passe son chemin, fait un écart, on ferme
les yeux. En dehors des murs, c’est l’urgence répétée et l’absence d’intimité.
Il n’y pas d’espace pour protéger le corps, les souvenirs et les ressources
quotidiennes.
Dans la survie, c’est l’éloignement de soi.
« Le corps se fait alors le réceptacle ultime du monde
de l’intimité lorsque ces hommes portent sur eux-mêmes l’ensemble de ses
objets, précieux parce que personnels »[1]
Je me rappelle d’une conversation avec un sans-abri sur un
banc londonien, à parcourir un classeur dans lequel, il avait conservé plein de
souvenirs. S’asseoir sur ce banc était devenu un rituel quotidien pour
discuter. Il cherchait à maintenir des liens sociaux.
Comment ne pas rompre trop brutalement avec ces nouvelles habitudes
qui structurent un territoire et le maintien de soi? De l’hébergement d’urgence,
à la maison d’accueil, l’habitat solidaire, le parcours est long et incertain
avant un logement durable. Comment passer directement de la rue au logement avec
l’envie de se reconstruire ? Reprendre le désir de s’occuper à nouveau de
soi.